C'est sans prétention aucune que je viens vous présenter l'une de mes nombreuses nouvelles.
J'espère que la lecture vous sera agréable.
N'hésitez pas à me donner vos avis même les plus négatifs ^^
Toc Toc Toc.
Toc Toc Toc.
Je frappe à nouveau par politesse bien que personne ne me répondra d’entrer. Après m’être glissée sous forme de courant d’air glacial, j’aperçois enfin le corps. Ce n’est encore qu’une enfant. Très jolie à n’en point douter. Elle respire encore mais faiblement et tente de se raccrocher à cette petite étincelle qu’est sa vie. J’aperçois une femme penchée, les yeux baignés de larmes. Elle chuchote tout bas à sa fille d’être forte, de garder espoir. Dans l’au-delà elle retrouvera son cher père qui les a quitté depuis quelques années déjà. Je continue de m’approcher vers ce frêle petit corps. Délicatement je glisse mon bras squelettique dans son cœur. Est-ce vraiment son heure ? Je cherche une lumière parmi l’obscurité. C’est alors que je la trouve. Faible mais courageuse. Délicate mais rapide. Elle me voit arriver et se met à fuir comme elles le font toutes. Dit adieu à tes proches douce enfant. Je vais te conduire près de ton paternel. Lentement, elle ferme les yeux et murmure un faible « je t’aime » à l’encontre de sa mère. Son âme s’élève de son corps avec une infinie lenteur. Je tend les bras et la saisit. Je la vois me sourire :
« C’était mon heure ?
- Oui petite chose.
- C’est pas si dur en fait.
- Non ça ne l’est pas. C’est ce que tout le monde dit ?
- Oui. Mais maintenant je sais que ce ne sont que des rumeurs. »
Elle s’agrippa à moi avant de s’endormir. C’était la première fois que l’un d’eux me parlait. Etrangement Je ne fut pas surprise mais pris beaucoup de plaisir à lui répondre. Elle était si jeune. Tant de belles choses elle ne vivrait pas.
Toc Toc Toc.
La taverne est silencieuse. Rien ne bouge à l’intérieur. Pas même les volets qui pourtant sont balancés par le vent. Tous respectent les défunts.. De nouveau je frappe par politesse. Je me glisse par la fenêtre ouverte et aperçois la victime. C’est un homme assez vieux. La maladie a eu raison de lui. Une femme plus jeune que lui gémit en secret. Elle n’est pas malheureuse au contraire, elle est comblée. Comblée d’hériter de la taverne et de l’argent qu’elle récupère. Souvenez-vous du coffre caché sous la trappe de leur chambre. Vous vous demandez ce qu’il contenait n’est-ce pas ? C’est bien simple, toutes ses économies s’y trouvaient.. Elles attendaient bien sagement qu’une main impure les prennent de leur cachette afin de les dépenser à des fins vicieuses. J’entrais ma main dans le cœur du vieil homme et découvris de drôles de sensations. Il aimait cette femme infidèle de toute son âme. Il lui aurait bien donné tout l’argent du monde si elle le lui avait demandé. Mais quelque fois les hommes sont injustes et préfèrent causer le mal autour d’eux. Je soulevais l'esprit et l’emportais avec moi. Il ouvrit les yeux et me regarda longuement :
« Vous ne ressemblez pas à ce que je croyais.
- J’en suis sûre.
- Vous avez l’air plus sage.
- Merci.
- Vous n’êtes pas bavarde n’est-ce pas ?
- Non. A dire vrai on ne m’a jamais parlé.
- Je suis donc le premier homme à bavarder avec la grande faucheuse. »
Le trajet de l’au-delà se passa sans aucune autre parole.
Une nuit sombre. Je ne vois que des lanternes au loin, rien d’autre. Mais j’entends des pleurs. Pas un mais une dizaine de pleurs différents. Je presse le pas. Mais est-ce que je marche réellement ? Je ne sais. Je regarde alors autour de moi. Et qu’aperçois-je ? Des tombes. Je suis dans un cimetière entouré de nombreux défunts.. Quel endroit chaleureux et serein ! Je m’avance vers le petit cercle formé par quelques âmes peinées. Elles souffrent toutes aujourd’hui. Aucunes ne voient de profil dans la mort de la vielle femme. Je regarde de plus près le corps. C’est une très vieille dame. Apparemment morte de chagrin depuis la disparition de son fils unique. Je me souviens lors de lui. Un jeune homme admirable, décédé pour s’être sacrifié dans une mine. Un héros si je peux dire. Quatre vies furent sauvées grâce à son acte de bravoure. La vieille femme pleure encore. Elle me voit la toucher et comprend que je l’emmène à son tour :
« Merci.
- Je ne fais que ma tâche.
- Oui mais d’une certaine manière grâce à vous je vais revivre près de mon seul enfant.
- J’en suis fort aise.
- Cela vous en fait combien pour aujourd’hui ?
- Quoi donc ?
- D’âme.
- Trois.
- Tous de mon âge ?
- Non madame. Une enfant d’à peine dix ans.
- Au mon dieu. Vous n’êtes donc pas humain ?
- Je l’ai été, il y a de cela fort longtemps. Mais cette une époque dont je ne me souviens plus.
- Et je suppose que vous ne ressentez plus rien ?
- Quelque fois.
- Merci. »
Je m’étonne soudain de sa gratitude : qu’ais-je donc fait pour cela ? Je viens chercher son âme et c’est tout. Je suis la Mort, la grande faucheuse. Celle qui vous ôte la vie. Est-ce un remerciement d’avoir répondu à ses questions ? Ou bien parce qu’à son tour elle rejoindra ses proches disparus ?
Toc Toc Toc.
Il est tard, très tard. Le jour pointera bientôt le bout de sa lumière. Il me faut aller plus vite et surtout ne plus perdre de temps en bavardages inutiles. L’âme suivante se trouve dans une belle et grande demeure. Un riche pour sur. Je me glisse comme à mon habitude et fais connaissance avec l’esprit. C’est un homme narcissique vu les nombreux miroirs sertis de pierres précieuses qui ornent son habitat. Il est allongé dans un grand lit à baldaquin et hurle de tout son être qu’il est plus fort que moi. Mais rien ne peut détruire ce qui n’existe plus. Je reste à ses côtés un moment désireuse d’écouter ce qu’il invective à mon sujet :
« Tu te crois assez forte pour m’emmener ? Tu rêves ! Je suis riche et beau !! Je ne peux pas mourir maintenant ! Je te vaincrais par mon courage et ma ténacité. Tu repartiras bredouille! Je le jure ! »
Je me mets à rire aux éclats. Du moins j’eus l’impression de rire. Comme pour les autres, je plonge ma main osseuse dans son cœur. Son âme est des plus sombres. Je tente de refermer son âme dans mon poing mais j’échoue. J’essaye maintes et maintes fois mais chaque fois elle m’échappe. Que se passe t-il ? C’est la première fois que cela se produit. Me suis-je trompée sur son heure ? Non c’est impossible. Je suis la Mort. Soudain il se fige et m’observe. Son regard me poursuit dans la pièce. Je heurte sans le vouloir un homme d’âge mûr. Ce dernier se retourne inquiet. Mais ne découvrant personne, il repose ses yeux mesquins sur le souffrant. Je m’empresse de lui prendre son âme avant qu’il ne hurle à tous ce à quoi je ressemble. Je ne sais pas ce qui se passe mais le jeune homme ne résiste plus. Une fois que son esprit est en ma possession je l’entends murmurer :
« Je savais que c’était mon heure. Certains comme moi sont doués pour prédire l’avenir. Et je le suis. Dès mon plus jeune âge j’ai su ce à quoi vous ressembliez. Vous êtes belle mais je veux vous vaincre. Acceptez-vous un duel contre moi ?
- Non.
- Pourquoi ?
- Je n’ai pas le temps de jouer. D’autres personnes souffrent et attendent que je les sorte de leur douleur.
- Alors vous êtes bienveillante ?
- Je n’ai jamais dit ça ni dit le contraire à qui que ce soit car personne n’est revenu d’entre les morts pour vous le dire.
- Mais c’est une légende tellement courante.
- Quelle légende ?
- Vous et votre froideur. Votre manière de venir nous chercher dans une cérémonie des plus ténébreuses.
- Et bien vous pouvez le constater par vous-même : je n’aime pas ce genre de chose. Ma tâche consiste à venir récupérer vos âmes et c’est tout.
- Acceptez mon duel alors. Si je gagne vous relâchez mon âme. Si je perds vous me gardez.
- Non. Je n’y gagne rien.
- Vous avez peur de perdre c’est ça ?
- Du tout. Maintenant taisez-vous et laissez-moi. »
Pourquoi cherchent-ils tous à communiquer avec moi aujourd’hui ? A ce que je sache, il n’y a aucune révolution ou guerre dans leur monde qui leur fasse craindre la personne que je suis. Suis-je réellement une personne ou juste un squelette sans vie qui ne fait que contribuer à la survie d’une terre dont il est banni ? Plus j’amasse d’âmes plus elles me parlent et m’intriguent. Je sens de plus en plus ce vide au fond de moi se remplir d’une substance étrangère.
Toc Toc Toc.
Il est presque le matin quand j’arrive dans ce magnifique château. Une guerre a eu lieu dans la nuit. Une guerre qui n’a pas tué autant que d’habitude. Je rencontre un couple. Il est roi, elle est reine. Je le sais grâce aux jolies couronnes serties de mille et un rubis qui surmontent leurs têtes. La femme tient un bébé dans ses bras d’à peine quelques mois. Il n’est plus qu’un corps froid et livide, dénué de vie. Etrangement je ne veux pas l’emmener avec moi. J’aimerais plutôt le voir grandir auprès de sa famille qui pleure amèrement sa perte. A leurs côtés, sur le sol, je vois un autre corps, mort lui aussi. C’est une femme jeune et très belle. Elle gît dans son propre sang. Tout comme le bébé d’ailleurs. Je la saisis et elle entame aussitôt une discussion des plus animées :
« Je l’aime vous savez. C’est un roi noble. Mais il a préféré ma sœur à moi et lui a donné cet enfant. La jalousie est un bien vilain défaut. J’ai tué le fruit de leur amour par vengeance.
- Vous ne pouvez contrôler vos émotions.
- Mais j’aurais du !! Vous ne pouvez comprendre. Après tout, vous n’avez pas de cœur.
- J’en avais un autrefois.
- Vous voulez dire que vous avez été… humain ?
- Oui.
- Et cela ne vous manque pas de ressentir des émotions ? D’aimer quelqu’un ?
- Je ne crois pas.
- Vous êtes courageuse.
- Non. Je suis juste un squelette qui accomplit sa destinée.
- Et bien. Je suppose que vous ne le serez pas éternellement.
- Je ne sais pas.
- Je vous remplacerais un jour et je dirais à tous la même phrase.
- Laquelle ?
- Que la mort les salue. »
J’ai quand même emmené le bébé avec nous. Car telle est ma destinée. Amener les âmes là où elles doivent se trouver. Car je suis la Mort. La seule et unique.
Toc Toc Toc.
Fin.